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THÈME 8

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QUEL EST LE STATUT
D’ÉCOCIDE
AUJOURD’HUI ?
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THÈME 8

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Aujourd’hui, les activités anthropiques affectent l’ensemble des écosystèmes de manière profonde, propulsant la planète dans une nouvelle période géologique appelée « l’anthropocène » (approfondie dans le Thème 2). En conséquence, les relations entre espèces vivantes dépendent de plus en plus de la manière dont les milieux où ils évoluent ont été anthropisés. Les multiples rapports des experts pointent unanimement les responsables ; ils sont très explicites sur les catastrophes en cours, l’interdépendance entre les espèces n’étant plus à démontrer, ni notre appartenance à une grande famille planétaire (voir le Thème 4). Tout ceci implique que nous, les humains, agissions aujourd’hui pleinement « en connaissance des conséquences de nos actes ».

Pourtant, en 2020, l’Union européenne alertait de « l’échec du droit de l’environnement » à protéger suffisamment la Nature. Le constat est très clair : le droit et la justice dans leur forme actuelle ne peuvent pas empêcher la destruction massive des écosystèmes. Corinne Pelluchon précise l’importance de la notion de justice. La justice est une entité morale supérieure qui fait référence à notre idéal, à l’expression de nos valeurs, à ce que l’on pense juste, à notre morale. Alors que le droit correspond à « un outil fondamental pour délimiter les actions des humains », c’est l’ensemble des règles qui organisent nos sociétés. Voilà de quoi relancer la réflexion, abordée dans le Thème 6 p 28, sur ceux qui doivent être les bénéficiaires de notre morale. Jusqu’à présent, nous abordons la justice d’un point de vue anthropocentré en prenant en compte uniquement l’humain. Mais, ce positionnement éclipse une réalité pourtant criante : les droits humains sont farouchement interdépendants du droit à exister du système Terre et de l’ensemble de ses habitants. Il est temps d’arrêter de nous fourvoyer : Impossible de continuer à garantir des droits de base à l’humain (alimentation, habitat, eau, santé...) alors que son environnement de vie est lui-même menacé.

Nous pourrions très bien aborder la justice en nous positionnant différemment. Par exemple de manière zoocentrée, pour agrandir le cercle à l’ensemble du monde animal. Ou de manière biocentrée (ou écocentrée), pour l’élargir à l’ensemble du système Terre, intégrant ainsi les interdépendances inéluctables du vivant et du non-vivant. Quelques initiatives germent déjà de par le monde, mais leurs portées restent encore limitées. Citons-en quelques-unes. À l’avant-garde, nous retrouvons l’Amérique du Sud avec l’Équateur qui a adapté sa Constitution en 2008 : « La nature ... a le droit de voir son existence pleinement respectée et [le droit] au maintien et [à] la régénération de ses cycles vitaux, de sa structure, de ses fonctions ». La Bolivie l’a imité en 2010. Des nations amérindiennes ont adapté leur constitution tribale (Ho-Chunk 2016, Ponca 2017). L’Inde, le Bangladesh, la Colombie ou la Nouvelle-Zélande ont reconnu une personnalité juridique à des glaciers, montagne, forêt ou rivière... Mais il y a surtout l’Ouganda en 2019, premier pays à reconnaitre par la loi que « la nature a le droit d’exister, de persister, de maintenir et de régénérer ses cycles vitaux, sa structure, ses fonctions et ses processus d’évolution ».

Concernant le droit des animaux non-humains, Jean-Pierre Marguénaud nous fait remarquer que dans la plupart des systèmes juridiques du monde, ils sont considérés comme res nullius (« la chose de personne »), c’est-à-dire une chose qui n’a pas de propriétaire, mais qui est néanmoins appropriable, au même titre que les biens. D’un autre côté, explique Jean-Pierre Marguénaud, cette situation est en train de changer. Les animaux, tout en restant encore soumis au régime des biens, commencent à prendre une place particulière dans les codes civils, car ils sont de plus en plus reconnus comme des êtres sentients, doués de sensibilité et capables d’éprouver des émotions à la première personne du singulier (France 2015, Union Européenne 2016, Royaume-Uni 2021, Belgique 2021, Espagne 2022 ...). Les animaux non-humains commencent donc à être reconnus comme sentients sans en avoir le statut juridique de personne pour le moment. Dans le documentaire, Peter Singer s’offusque de ce paradoxe. Il cite John Locke (XVIIe siècle) qui « définit le terme de «personne» comme un être qui a conscience d’exister en tant qu’entité indépendante, ayant un passé et un avenir. » Il sépare donc le terme « personne » et celui d’« humain ». D’ailleurs, il nous fait remarquer que même les entreprises ont le statut de « personne » morale. Et Jean-Pierre Marguénaud d’insister, qu’« il est absolument indispensable de donner aux animaux le statut de personne juridique, sinon ils sont juridiquement morts ». 

La notion de justice évoquée par Corinne Pelluchon prend ici tout son sens : « Penser une société, […], parler de justice envers les animaux, c’est révolutionner la manière dont on pense la cohabitation avec les autres vivants. Cela suppose vraiment de prendre au sérieux le fait que nous ne sommes pas seuls au monde et que nous partageons la terre et les ressources avec d’autres êtres vivants... Leur existence nous oblige à changer en profondeur les fondations de notre éthique et de notre organisation politique ». En outre, elle élargit le débat d’une manière essentielle au reste du vivant et au système Terre dans sa globalité. Reconnaitre une « personnalité juridique » aux êtres vivants induirait obligatoirement de nouvelles relations entre espèces vivantes, mais également avec les milieux dans lesquels ils évoluent.

Concrètement, c’est quoi l’écocide ?

Dans le monde entier, des voix s’élèvent pour adapter nos lois, spécialement autour de la notion d’écocide. Tout au long de ces interventions, Jojo Metha en précise la définition et ses implications. Écocide signifie littéralement « détruire la maison ». Ce terme a été utilisé pour la première fois à Stockholm en 1972 -sans pour autant être entériné-, durant la fameuse Conférence des Nations unies sur l’environnement. Il concernait les destructions massives et irréversibles de l’écosystème causées par l’utilisation de l’agent orange par les Américains durant la guerre du Vietnam. Dans sa définition actuelle, le crime d’écocide est décrit comme des « actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables ».

Le crime d’écocide n’existe pas encore en tant que tel dans les législations nationales (ou de manière très marginale) et n’a pas de reconnaissance internationale. Dès lors, aujourd’hui, les responsables de comportements susceptibles d’écocides n’écopent que d’amendes qu’ils intègrent simplement dans leur budget des dépenses. « Protéger véritablement les écosystèmes en faisant évoluer les comportements » nécessite « l’adoption d’une législation sur l’écocide au niveau international », idéalement au niveau de la Cour pénale internationale (CPI). Pour le moment, la CPI n’intègre les dommages à l’environnement que dans le cadre d’une guerre, et de manière si restrictive qu’ils ne sont pas applicables. Cette lacune pourrait facilement être comblée par l’Assemblée des États parties (AEP) de la CPI en reconnaissant le «crime d’Écocide comme son cinquième crime, aux côtés du crime de guerre, du crime contre l’humanité, du génocide et du crime d’agression. La plupart des juristes insistent sur l’importance de lier ce crime à l’article 30 de la CPI qui vise « qui a agi en connaissance des conséquences de ses actes ».

Il y a un double intérêt à établir une responsabilité pénale. Premièrement, il s’agit de donner un cadre plus précis aux dirigeants d’entreprises et aux dirigeants gouvernementaux pour savoir ce qu’ils peuvent faire ou non, et de définir les limites qu’ils ne peuvent pas transgresser sans être passibles de peines de prison. Deuxièmement, et c’est très important, cela donne aux dirigeants le pouvoir de s’opposer aux décisionnaires ou aux lobbyistes qui seraient uniquement mus par la cupidité. Le fait même qu’une procédure de reconnaissance internationale soit en cours pourrait être dissuasif -d’où l’importance de ce documentaire qui représente pour notre imaginaire un premier procès pour un crime d’écocide-. Le but de cette reconnaissance internationale est de protéger de façon universelle le système Terre (ce qui, au passage, conditionne la survie de l’espèce humaine). On ne compte plus les exemples de déforestation massive, de marées noires, de ravages des fonds marins, de contaminations des terres et des eaux, de pollutions de l’air, le tout causé par l’exploitation minière, la fracturation hydraulique, l’exploitation des sables bitumineux, certaines techniques agricoles ou de pêche industrielle ou d’industrie textile (une liste d’une partie des écocides présumés est disponible sur le site de Stop Ecocide).

Pour finir, Mathieu Ricard et Jojo Mehta mettent l’écocide au niveau du génocide. La définition de la CPI dit : « Un génocide est un acte commis dans l’intention de détruire un groupe, en tout ou en partie, ... ou de le soumettre à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction physique partielle ou totale... ». Pour nos deux intervenants, nous sommes bien dans la même définition, à la différence que ce n’est pas seulement un groupe qui est visé, mais l’ensemble du vivant, incluant de ce fait l’humanité...

• Déprédations

• Justice

• Personnalité juridique non humaine

• Droits de la Nature

• Comparaison au génocide

• Crime d’écocide

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DES OUTILS PÉDAGOGIQUES

Éduquer aux communs / Symbiose 125, Réseau IDée

Magazine à destination des enseignants et éducateurs. Numéro spécial sur les (biens) communs qui sont des ressources (naturelles) gérées collectivement par une communauté. Téléchargeable sur https://symbioses.be/consulter/125

 

DES LIVRES POUR VOUS NOURRIR

Nous sommes peut-être tous frères / Chef amérindien Seattle

Paroles du chef amérindien Seattle en réponse en 1854 au président des États-Unis d’Amérique. Un recueil court et efficace !

Je est un nous / Jean-Philippe Pierron

Enquête auprès des philosophes et penseurs de l’écologie sur nos interdépendances avec le vivant.

RAYON BD

Lettres des animaux à ceux qui les prennent pour des bêtes / Frédéric Brémaud - Glenat

Si les animaux pouvaient s’exprimer, que diraient-ils ? Superbement écrit et illustré, composé de plusieurs courtes histoires qui ouvrent la réflexion.

Les droits des animaux en questions / Dominic Hofbauer

Tour d’horizon de la question animale. Accessible et illustré avec humour.

Les droits des animaux : ça me concerne / Florence Pinaud et Amélie Fontaine

Plutôt orienté jeunesse, cet ouvrage illustré aborde très bien l’importance la sentience (vulgarisée), le droit des animaux et les implications que cela a pour notre relation avec eux.

PUBLICATIONS

Planète Vivante / WWF

Mis à jour tous les deux ans, il donne un aperçu précis de l’état et de l’évolution de la biodiversité mondiale. Sa dernière édition indique une chute de 68% des populations d’animaux sauvages depuis 1970 ! Lecture incontournable pour tenir ses chiffres à jour et comprendre les nouvelles implications.

Rapport du GIEC / GIEC

Régulièrement mis à jour, ce rapport existe également dans une version « résumé pour les décideurs » de 4 pages vulgarisées et illustrées. La version 2022, contenant des constats et des solutions, est aussi instructive qu’accablante.

Rapport de l’IPBES / IPBES

Régulièrement mis à jour, similaire au GIEC dans son fonctionnement, cette plateforme d’expert analyse la biodiversité et les services écosystémiques. Ce rapport existe également dans une version « résumé pour les décideurs » vulgarisées et illustrées. Comme pour celui du GIEC, La version 2022, contenant des constats et des solutions, est aussi instructive qu’accablante.

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PASSER À L'ACTION

En fonction de vos centres d’intérêt et de votre degré d’investissement, de très nombreuses organisations recherchent des volontaires, des militants et des activistes. Sur ce thème, nous pouvons au moins citer :

‣ Stop Ecocide

‣ End Ecocide

‣ Fondation européenne pour le droit du vivant

‣ Extinction Rebellion

‣ Planète Vie

‣ Rise for climate

‣ WWF

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